Carte tactile (Elise Olmedo)

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avril 25th, 2013
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>> Droits associés à cette image : Elise Olmedo – 2010
>> Source : blog.mondediplo.net
>> Cette carte a été ajoutée à la plateforme par Pascal Ferren

Cette carte est issue d’un travail universitaire entrepris par Elise Olmedo en 2011 à Marrakech. En vivant avec les femmes d’un quartier spécifique, elle a entrepris la construction d’une représentation tactile du vécu territorial de cette population donnée. Les différentes textures et formes du tissus permettent de rendre compte des différentes affections vécues par ses femmes, sur leur territoire quotidien.

« Cette carte est issue d’un travail de Master 1 en géographie, réalisé durant l’année 2009-2010 dans le quartier de Sidi Youssef Ben Ali – « Sidi Yusf » comme disent les habitants – à Marrakech. Cette carte peut, de prime abord, paraître un temps soit peu étrange et surprenante. Elle déroute son lecteur parce que celui-ci n’en possède pas (encore !) le code. Cette production cartographique s’est faite sur le socle d’une enquête de terrain essentiellement qualitative, constituée de récits de vie et d’observations participantes qui m’ont permis de dessiner cartographiquement les contours des espaces vécus féminins dans ce quartier à partir du quotidien de Naïma, une femme de ce quartier enquêtée dans la perspective d’une étude de cas. Cette mère de famille de quatre enfants, analphabète, fait partie d’une frange très pauvre de la population. Comme beaucoup d’habitants de ce douar, elle est d’origine rurale (un douar est un quartier périphérique qui peut se former à partir de petits regroupements d’habitats ruraux existants, ou bien naître spontanément grâce à la vente clandestine de terrains devant la crise du logement à Marrakech et la densification de la médina). Ayant vécu la première partie de sa vie dans la campagne environnante de Marrakech, Naïma est ensuite venue s’installer en ville. Le travail cartographique présenté a été réalisé à partir des données collectées concernant son quotidien, représentatif de mon échantillon d’enquête. Ainsi, elle ne présente pas une spatialité classique et euclidienne. La carte est donc volontairement « inexacte » du point de vue des localisations. Les espaces sur la carte sont représentés en fonction de la place affective que Naïma leur accorde. Ainsi, certains espaces n’existant pas dans la géographie mentale de Naïma, n’ont en conséquence pas de place dans la réalisation de sa carte subjective.

Trois grands types d’espace sont représentés, l’espace domestique et l’extérieur immédiat sur la partie droite (la maison symbolisée par un grand carré et le souk représenté à l’aide de carrés de tissus colorés qui peuvent être fixes ou mobiles pour figurer le souk ambulant). L’espace de travail dans les quartiers riches de la ville. Il s’agit d’un tissu onéreux utilisé pour les mariages qui évoque la complexité que représente la ville pour Naïma. Les fleurs brodées avec des tons vifs forment des centralités qui symbolisent des maisons ou appartements de riches marocains dans lesquels Naïma effectue des services ménagers de manière irrégulière. Au contraire, les tissus choisis pour le pôle domestique sont habituellement utilisés pour coudre des Djellabah que les femmes portent tous les jours dans le quartier de Sidi Yusf (Pour plus de détails, voir l’article OLMEDO E., 2011, « Cartographie sensible, émotions, et imaginaire », Site Visions cartographiques, Blog du Monde Diplomatique).

Le choix du tissu est apparu comme un medium de représentation signifiant étant donné que Naïma et les autres femmes interviewées pratiquent la couture traditionnelle dans une association, activité à laquelle elle tient et dont elle est fière. Les tissus et matériaux habituellement utilisés en couture traditionnelle (cordons, boutons en tissus) sont apparus comme des possibilités de retranscrire cette géographie des affects sans tomber dans l’écueil d’assécher cette géographie en la communiquant. La carte permettait de rendre lisible et communicable la ville des femmes de Sidi Youssef Ben Ali, la carte sensible traduisait en correspondances sensationnelles et visuelles les valeurs affectives accordées aux lieux. A travers les matériaux, il s’est agi de traduire tout le sensible qui émanait des récits, de donner une image sensible du vécu raconté par les enquêtés. »

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